Arts, culture, éducation, pauvreté, santé, sport… Ces dix dernières années, en France, la philanthropie profite d’un bel élan de générosité, due sans doute en partie à une mobilisation croissante autour des questions climatiques. Sans être encore au niveau du monde anglo-saxon, le secteur français de la philanthropie est stimulé par une véritable dynamique portée par de nombreux changements récents : professionnalisation du secteur, rajeunissement des donateurs… Une nouvelle génération émergente de « philanthropes entrepreneurs » favorise une approche plus globale et collaborative de l’action philanthropique qui tire également parti des nouvelles technologies favorisant la créativité et l’innovation dans le domaine des modes de collecte de fonds. Cependant, si la générosité jouissait jusqu’alors d’un cadre fiscal particulièrement favorable en France, la nouvelle fiscalité (IFI, prélèvement à la source…) et l’abondance de l’offre philanthropique sont autant de nouveaux défis à relever pour le secteur.
Une croissance globale de la générosité française
Même si le baromètre de la générosité – France générosités note une baisse de – 4,2%, des montants de dons en 2018, dont une baisse au premier semestre de – 6,5% et une baisse de – 2,6% au deuxième semestre, la philanthropie affiche une croissance globale de 10% pour atteindre 6 milliards d’euros de dons en 2018.
Par ailleurs, l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) s’est considérablement développée sur l’ensemble du territoire français. La majorité des régions formalise des politiques de soutien à l’ESS. Certaines d’entre elles ont choisi en parallèle d’élaborer des programmes d’actions et des dispositifs spécifiques pour appuyer l’ESS et renforcer ses impacts positifs sur leur territoire. L’ESS représente aujourd’hui près de 2,3 millions d’emplois, soit plus de 10% de l’emploi salarié en France, et plus de 100 000 nouveaux emplois chaque année.
Un contexte législatif agité
Les associations et fondations ont été affectées en 2017 par la réduction des emplois aidés, la suppression de la réserve parlementaire, la diminution des subventions, puis en 2018 par la hausse de la CSG des retraités, la transformation de l’ISF en IFI, et enfin le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en 2019. Le passage de l’ISF à l’IFI notamment a eu un impact négatif : les fondations font état d’une baisse de leur collecte allant de 50 à 70 % , une diminution qui s’explique avant tout par la baisse du nombre de donateurs concernés et la baisse de la base soumise à l’impôt sur la fortune immobilière.
Une professionnalisation progressive de la relation aux mécènes
Le nombre d’organisations faisant appel au fundraising a considérablement augmenté ces dernières années, le secteur se professionnalise de plus en plus. L’arrivée du digital, la densification de la pression relationnelle sur les donateurs, la nécessité d’une transversalité forte entre les différents canaux de communication forcent les structures à acquérir de nouvelles compétences en matière de communication et de digital. L’Association Française des Fundraisers dispense donc désormais une formation certifiante de fundraiser et les universités proposent de plus en plus de cursus dédiés. Par ailleurs, les fondations et associations s’appuient sur des expertises techniques extérieures.
La synergie du collectif
La philanthropie est aujourd’hui soutenue par des initiatives collectives d’envergure mondiale. Apparu en 2012 aux États-Unis et décliné aujourd’hui dans plus de 100 pays, le « Giving Tuesday » consacre une journée à la générosité et à la solidarité en célébrant le don sous toutes ses formes. La première campagne française du Giving Tuesday portée par l’Association Française des Fundraisers a été lancée en 2018. Par ailleurs, les acteurs locaux se regroupent de plus en plus pour travailler sur des problématiques de proximité et une mutualisation de leurs ressources. L’engagement collectif devient un facteur de réussite.
Un rajeunissement de la cible
Si les jeunes représentent une faible proportion des donateurs en termes de montant moyen, les moins de trente ans sont les plus généreux par rapport à leurs revenus, à égalité avec les plus de 70 ans. La proportion de donateurs réguliers croît assez linéairement jusqu’à la tranche 50/64 ans, puis marque un palier : l’habitude de donner se prend donc plus souvent dans les quinze dernières années de la vie active.
La génération Y représente les donateurs en devenir, les sympathisants d’aujourd’hui : 24% des donateurs ont moins de 35 ans (22% en 2017), 16% des donateurs ont entre 25 et 34 ans (13% en 2017) et 8% des donateurs ont entre 15 et 24 ans (9% en 2017).
La digitalisation des campagnes d’appels aux dons
2 milliards d’euros ont été collectés par le Facebook Donate dans le monde depuis sa création. 31 millions d’euros est le record de dons collectés sur une page de collecte Facebook. 23% des associations ont un objectif de financement par le numérique. 95% des organisations sans buts lucratifs en Europe ont un site internet. Si on considère le fait que 60% des Français se renseignent toujours sur Internet avant un achat important (Rapport Hootsuite, Octobre 2018) et que nous assistons actuellement à une explosion de la publicité programmatique sur Internet, le recours au data marketing devrait progresser en continu dans le secteur de la collecte de fonds.
Une communication multicanale
Pétitions, appels à soutien, mails, réseaux sociaux : la communication multicanale permet aux fundraisers de parler à leurs donateurs sur leurs canaux de prédilection.
La diversification des ressources
Avec 2 Mds d’euros annuels environ et 80 000€ de montant moyen, les legs sont en pleine expansion. Ils nécessitent la mise en place de dispositifs auprès des prescripteurs (notaires…) mais aussi la conception de campagnes médias. Parler de legs au grand public est aujourd’hui plus facile, mais cette démarche exige la construction d’un discours différenciant pour éviter que toutes les organisations ne diffusent le même message.
Le panachage des dons
Depuis l’Affaire Rosemarie, dite Affaire de l’Arc (1997-1998), les donateurs sont plus méfiants : ils donnent moins à la même organisation d’année en année. De la même manière, les donateurs préfèrent ventiler leurs dons sur plusieurs organisations : le « panachage » des dons.
Le développement de la co-construction
Nous vous invitons à lire notre article dédié à ce sujet.
Une nouvelle générosité portée par les entreprises
Depuis la loi Aillagon encadrant le mécénat d’entreprise, l’intérêt général est devenu l’affaire de la société dans son entier. En 15 ans, le mécénat d’entreprise a connu un essor sans précédent. Le montant de dons déclarés a été multiplié par quatre, le nombre d’entreprises mécènes par 12. Le volume global du mécénat bénéficiant d’exonérations fiscales est passé d’un milliard d’euros en 2004 à près de 4 milliards en 2018. Le mécénat fait partie intégrante de la politique RSE des entreprises et elles sont nombreuses à le revendiquer. La loi Pacte offre désormais aux entreprises la possibilité de se doter d’une « raison d’être », d’embrasser la qualité de « société à mission » pour rendre visible leur engagement social, territorial ou environnemental.
Par ailleurs, l’investissement à impact social mobilise des investisseurs qui font le choix d’une rentabilité raisonnée et de financer des actions à fort impact social et environnemental.
Des philanthropes créateurs de projets
On observe en France une augmentation continue du nombre de fondations et fonds de dotation créés par des mécènes et notamment par des entreprises. La création de fondations et fonds de dotation a été multipliée par cinq ces dernières années. Une fondation abritée sur deux n’existait pas en 2010.
Le local : la clef du succès
La dimension territoriale est l’assise sur laquelle les fondations et associations fondent de plus en plus leurs actions et puisent leurs ressources. Une connaissance plus fine des problématiques spécifiques du territoire et des acteurs à même d’y répondre rend plus légitime l’intervention des fondations et associations aux yeux des donateurs. Le territoire suscite un sentiment d’attachement et de solidarité partagé. Il est donc un élément fédérateur permettant de mobiliser des donateurs qui apportent volontiers leurs moyens pour répondre à un besoin ressenti au service de l’intérêt commun. Les actions de proximité se multiplient : crowfunding en faveur d’une population précise, petits appels aux dons locaux qui n’existaient pas il y a quelques années. Les donateurs semblent préférer participer à des causes soutenues, défendues par des personnes qu’ils connaissent, qu’ils voient agir concrètement. Les acteurs plus jeunes, les structures plus petites et locales du secteur de la philanthropie semblent dorénavant drainer une partie des dons qui allaient jusque-là aux grands acteurs traditionnels.
Sources : Etude CER 2020 sur les ressources 2018 – Panorama 2018 des fondations et fonds de dotation créées par des entreprises mécènes
Grâce aux ressources de leurs mécènes, les « acteurs du changement », les philanthropes, s’engagent au quotidien pour faire avancer le bien commun, la solidarité et la connaissance. Ils poursuivent des rêves, construisent de grands projets que les levées de fonds leur permettent d’accomplir. Ils innovent, résolvent des problèmes. Le monde associatif participe au changement de la société, agit là où l’État ne peut aller, assure les missions qu’il n’a plus les moyens d’assurer. Loin d’être homogène, le monde de la générosité se fracture : la rigidité des pratiques anciennes de certains acteurs d’un côté, l’innovation des nouveaux entrants de l’autre.