Comment captiver l’attention d’un auditoire ?
Qu’est-ce qu’un pitch si ce n’est un lancement ? Pour lancer une œuvre, une cause, un mouvement, celui qui prend la parole doit savoir capter l’attention de son public soit par une accroche piquante, soit par un très court résumé de son projet dans le but d’informer sur son contenu et de donner envie. Quel qu’en soit le sujet, le contexte est l’urgence. Il faut en un temps réduit, jamais plus de trois minutes, soulever la réaction la plus favorable possible. Cet exercice, formalisé dans la cadre des levées de fonds des start-up et dans l’industrie cinématographique, est l’héritier direct d’un art cultivé depuis l’Antiquité : l’art oratoire dont Cicéron disait qu’il était une habilité indispensable à chaque citoyen. Car la parole exerce une action : dire, c’est aussi faire. Pitcher le projet d’une association ou fondation, c’est concrètement enclencher une levée de fonds, engager des partenariats. Le pitch pour persuader doit tout à la fois instruire, plaire et émouvoir l’auditoire. Churchill affirmait qu’« un discours improvisé a été réécrit trois fois », Boileau, quant à lui, nous appelait à remettre vingt fois sur le métier notre ouvrage. Rien d’insurmontable grâce aux principes qui d’Aristote à Steve Jobs ont su faire leurs preuves.
Un bon pitch ne dépend pas du talent naturel de celui qui le prononce, mais du travail que ce dernier aura investi dans sa préparation. L’expérience prouve que, sans la connaissance des règles, les hommes même les plus heureusement doués s’égarent sur bien des points. Pour convaincre, vous devez jouer sur trois dimensions : le logos, l’ethos et le pathos. Le logos définit les arguments pertinents pour votre cible, l’ethos s’appuie sur votre réputation, votre personnalité, l’image que vous allez donner à voir à votre auditoire et le pathos relève des émotions, du lien émotionnel que vous allez créer avec votre public. Au final, la réussite de votre pitch dépendra de l’articulation entre ces trois pôles de la persuasion.
La phase de préparation de votre message : de la réflexion avant toute chose
La première question à vous poser définit tout le reste : à quel public allez-vous vous adresser ? Les arguments choisis, la manière dont vous allez les présenter ne seront pas les mêmes selon l’auditoire. Chaque pitch est différent selon le jour, le contexte, le lieu, les interlocuteurs. Un pitch ne se réutilise jamais à l’identique, il faudra toujours l’adapter, mais une première version travaillée est une base indispensable.
Un pitch est une présentation synthétique et percutante d’un projet, adaptée à son public dans un but précis. Vous devez donc sélectionner avec soins les idées ou les arguments que vous allez exposer : le fameux logos. Le mieux est de lister simplement vos idées dans un premier temps sans vous soucier de la forme, puis d’opérer une sélection par élimination. Vous ne pourrez pas tout dire en trois minutes, vous devez privilégier l’essentiel. Fuyez les banalités, les lieux communs. Optez pour l’innovation, cherchez la différence. En général, une argumentation pertinente se travaille par élimination plus que par addition : c’est à dire que plus votre pitch gagnera en clarté et donc en simplicité, plus il sera percutant. Au bout du compte, votre dernière sélection dit-elle précisément ce que vous proposez et quel est votre objectif ? Les détails diluent l’attention du public.
Qui êtes-vous, vous qui prenez la parole ? N’oubliez pas que vous devez vous présenter en deux ou trois mots. Vous devez être crédible d’entrée. Afin d’interpeller un public sur un sujet particulier, la personne qui présente l’information doit d’abord s’établir comme une personne de confiance ou ayant beaucoup d’expérience dans le sujet : l’ethos, une des trois pointes du triangle de la persuasion.
Introduisez des éléments qui vous permettront d’accéder aux émotions de votre public pour les attirer vers le sujet. Ce pathos lui donnera l’impression d’avoir un intérêt personnel dans les informations fournies et constitue souvent le catalyseur qui le pousse à agir. Quelles émotions viendront renforcer votre argumentation ? Convaincre et persuader sont deux verbes différents, le premier s’adresse à la raison, le second à l’émotion. Vous remporterez l’adhésion de votre public en conjuguant les deux. Gardez votre auditoire très éveillé en l’enthousiasmant, en le choquant si nécessaire, ou en éveillant sa curiosité… Un pitch crée du lien, c’est sa vocation première.
Pensez positif, soyez optimiste dans vos propos. Une association, une fondation porte l’espoir d’un mieux futur, travaille sur des possibles. Vous devez le valoriser.
Un plan à suivre très simple :
- L’accroche capte l’attention, le lie au sujet : situation du contexte et du besoin
- Qui êtes-vous ? Une phrase de présentation pour donner votre nom, celui de votre association ou fondation, votre fonction en son sein
- Que faites-vous ? Quel est le problème que votre association ou fondation va résoudre ?
- Quelle est votre cible ? Vos bénéficiaires ?
- Vos résultats ? Décrivez les bénéfices de vos actions.
- Vos valeurs ? Présentez votre vision.
- Ouverture : invitez votre auditoire à vous rejoindre
Le passage à l’écrit
Une fois la ligne argumentative établie, il faut la mettre en forme efficacement.Quatre principes à ne jamais perdre de vue :
- Vous écrivez un discours oral court destiné à un auditoire : votre texte doit donc constamment l’impliquer, et ce dès l’accroche. Votre première phrase doit établir un lien entre vous, votre auditoire et votre projet. Celui qui prend la parole doit interagir avec son interlocuteur du premier au dernier mot.
- Vous n’avez que trois minutes. La concision est de rigueur. Vous devez élaguer votre texte, donc éliminer les adjectifs, les adverbes inutiles. Les phrases simples (sujet verbe complément) ont plus d’impact à l’oral que les phrases complexes dans lesquelles l’orateur et l’auditoire risquent de se perdre. Il faut prévoir moins de 1500 mots pour un pitch.
- Un mot a sens précis, utilisez-le. Le vocabulaire de votre pitch dépend de la cible, de la composition de votre auditoire : des termes plus techniques pour un public averti d’industriels ou de spécialistes, un vocabulaire simple et direct pour auditoire plus hétérogène. Illustrez votre propos. Une histoire courte, une preuve précise, une image, une métaphore ou une comparaison saisissante marqueront l’esprit de votre interlocuteur tout en maintenant son attention.
Travaillez votre texte en le verbalisant à voix haute pendant l’écriture. Laissez reposer cette première version écrite. Retravaillez-la le lendemain ou plus tard toujours à voix haute. Faites-la lire par un collègue et jugez de son effet avec le recul qu’impose l’écoute. Modifiez en fonction de votre ressenti.
Un tiers, un professionnel de la communication peut vous aider à prendre du recul, à choisir les mots, à trancher.
La répétition : le charisme s’apprend
N’apprenez pas par cœur votre pitch ! Le par cœur empêche l’adaptation et crée souvent plus d’embarras qu’autre chose. Intégrez les grandes lignes de votre discours, ses éléments de langage, mais laissez-vous la souplesse de la spontanéité. Répétez votre pitch seul devant un miroir ou pas, mais sans la pression d’un regard extérieur. Lors d’une prise de parole, nous transmettons un message par les mots, mais aussi par la musicalité de notre voix et notre gestuelle. Selon le linguiste Albert Mehrabian, le paraverbal retient 55 % de l’attention de l’auditoire et les mots 7%. Vous comprenez l’importance de travailler le passage à l’oral ! Ceci dit, pour chercher les bons gestes, apprenez d’abord à n’en faire aucun. En position debout, laissez tomber vos bras détendus le long du corps, si vous êtes assis, posez les ouverts sur la table. C’est en commençant par avoir les bras détendus lors de vos répétitions que vous aurez ensuite des gestes spontanés. Le naturel revient dans la décontraction. Votre corps apprendra à bouger simplement, sans effets exagérés qui pourraient parasiter votre message.
Articulez correctement. Sans aller jusqu’à adopter la technique des cailloux de Démosthène, amusez-vous à dire votre pitch un crayon à la bouche de manière à vous empêcher d’avaler les syllabes. Dans un milieu bruyant, ce n’est pas en criant que vous vous ferez entendre, mais en articulant.
Attention à ne pas avoir un débit trop rapide sinon votre interlocuteur ne comprendra rien. Prenez votre temps. Les silences sont importants aussi dans un pitch. Tenez compte du fait que votre débit augmentera certainement avec la pression le jour J.
Le charisme et l’éloquence sont parfois des qualités innées chez certains d’entre nous, mais ce sont aussi des techniques qui se travaillent et s’acquièrent.
Pratiquez souvent en privé jusqu’à vous sentir prêt, puis lancez-vous devant un auditoire bienveillant mais qui saura être critique. Cette présentation en public restreint vous aidera notamment à préparer une série de questions que pourraient vous poser vos interlocuteurs et les réponses pertinentes que vous pourriez lui apporter.
Votre interlocuteur est, sinon votre ami, votre partenaire. Regarder dans les yeux votre interlocuteur, lui sourire, adapter la portée de votre voix à la distance qui vous sépare de lui sont autant de détails qui favorisent son écoute et sa bienveillance. Vous cafouillez, vous butez sur un mot ? Riez-en avec votre interlocuteur ou votre public. La connivence nait de nos défauts, pas de notre perfection.
La vie réelle est votre terrain de jeu.Multipliez les occasions de dire votre pitch, d’interagir avec des auditoires différents, des interlocuteurs divers dans des situations variées. Plus vous présenterez votre pitch, plus vous apprendrez à l’adapter en temps réel, plus vous convaincrez.
Tous les membres de l’équipe de votre association ou fondation doivent savoir pitcher et être prêts à le faire à n’importe quel moment. L’orateur habituel peut, par exemple, avoir une extinction de voix le jour de la présentation. Et surtout, la plupart du temps, vous ne serez pas sur un estrade pour pitcher ,mais plutôt dans une salle pleine de bruit un verre à la main, car les opportunités se dessinent souvent lors de ces discussions informelles.
FOCUS – Savoir saisir toutes les opportunités en une phrase
Ayez toujours en tête une phrase de présentation courte qui vous permettra d’enclencher un lien avec un interlocuteur intéressant pour décrocher un rendez-vous lors d’un meeting professionnel, d’un cocktail…
Cette phrase sera votre entrée en matière :
« Bonjour,
Je suis prénom et nom, fonction au sein de nom de la fondation ou association qui domaine d’intervention. Je viens vers vous parce que nous cherchons des personnalités comme vous pour…… Pourrions-nous convenir d’un rendez-vous, d’un déjeuner peut-être ? »
Quand vous repérez un interlocuteur dans une assemblée, respirez calmement et dirigez-vous vers lui d’un pas déterminé mais posé. Souriez à votre interlocuteur avant de lui parler. Ne soyez pas intrusif mais cordial. Ne collez pas à votre interlocuteur, parlez lui clairement, sans élever la voix. Votre enthousiasme et votre gentillesse feront le reste.