Communication de crise : les essentiels à retenir de notre rencontre avec Gaspard Gantzer
Haut-fonctionnaire diplômé de l’École Nationale d’Administration, ancien porte-parole de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris, conseiller en communication de François Hollande entre 2014 et 2017 et fondateur d’une agence de conseil en stratégie et communication de crise, Gaspard Gantzer a vécu différentes crises majeures : la vague des attentats de 2015, les attaques politiques et personnelles qui ont entaché le quinquennat de François Hollande, le Mali, la Syrie… De cet état de crise quasi permanent, il en a retiré une expérience unique en communication de crise, une discipline exigeante et complexe que nous cultivons au sein de l’agence. Nous vous livrons ici quelques points essentiels de notre échange avec lui.
Les mutations en matière de communication de crise
Le rapprochement des communications publiques et privées
Les entreprises cherchent désormais à avoir un impact sociétal, à développer une interactivité avec leurs publics. Par conséquent, elles subissent la même pression que les politiques. Une seule différence : les politiques et les administrations publiques ont encore beaucoup à apprendre en communication digitale et les budgets qui y sont consacrés restent anecdotiques.
L’accélération du temps
Accéder au pouvoir, c’est poursuivre un objectif de long terme : transformer la société. Mais l’accélération du temps, dû au développement des chaines d’informations en continu et des réseaux sociaux, fait voler en éclat chaque journée au gré de l’actualité. Cet état de crise continuel challenge l’exercice du pouvoir en compliquant la réalisation du projet de fond parce que rien ne se passe jamais comme prévu, mais en prise directe. Le conseiller en communication gère donc bien plus les imprévus que la communication stratégique de long terme.
L’émergence des réseaux sociaux
L’émergence des autoroutes de l’information, comme Twitter, est la révolution industrielle de notre siècle. Elles changent notre façon de communiquer et même de vivre en société. Une partie de la population ne s’informe que par les réseaux sociaux, ce qui pose questions car ce ne sont pas de vrais médias pour autant. Cette nouvelle tendance rend plus complexe la communication de crise tout en étant un outil fondamental de la gestion de crise.
La personnification des dirigeants
La sphère privée fait peur aux hommes politiques parce qu’ils ont désormais conscience que des difficultés d’ordre personnel peuvent remettre en cause leur projet politique. Et la plupart d’entre eux ont une relation complexe avec leur image, ce qui en en complique la gestion par le communicant quand elle est attaquée.
La désinformation
Dans notre société de l’information mondialisée, tout le monde peut à peu près raconter n’importe quoi, il suffit d’observer le mouvement QAnon aux Etats-Unis. Dans cette guerre de l’information, des gens sans scrupule se jouent de la crédulité de plus candides qui peinent à appréhender le monde tel qu’il est. Il est important de comprendre quels publics sont réceptifs. En cas de crise, il est indispensable d’analyser la fausse information et de se mettre en position de la contrer en y répondant quand cela devient nécessaire. Les choses ne s’améliorent pas d’elles-mêmes. Contrer la désinformation demande de nombreuses ressources. L’apparition des fake news a compliqué la gestion de la communication. La réputation des marques et dirigeants est mise en tension en permanence et ce phénomène va devenir de plus en plus fréquent. La réputation de l’organisation, comme du dirigeant, est en jeu chaque jour sur les réseaux sociaux : scandales sur la gestion du personnel, remises en question écologiques…
Quelques bonnes pratiques de la communication de crise
Penser la communication avant la crise
Négliger la communication d’entreprise et des dirigeants est grave. Les dirigeants ont tendance à penser que la communication est accessoire. Or, une communication positive et maitrisée est un actif pour une organisation. C’est valable pour toutes les entreprises quelles que soient leurs tailles. C’est toujours de l’image de l’entreprise et des dirigeants dont on parle, du contrat de confiance qui les lie avec les différentes parties prenantes. Une communication de qualité construit une image propre à l’entreprise et aux dirigeants, et c’est cette image qui leur permettra de survivre à la crise. Une personnalité doit avoir imprimé sa marque dans les médias et le numérique avant la crise pour être crédible pendant la crise. La communication doit valoriser la vision, le sens de l’action, les rêves et projets du dirigeant.
Prendre la mesure de la crise
Le plus important, c’est le début de la crise. Il faut sentir les signaux faibles de la crise, ne pas la sous-estimer au départ, un réflexe de protection psychologique classique, car quand tout part mal, que rien n’a été anticipé, la crise est difficile à rattraper.
Communiquer avec simplicité, modestie et humilité, parler avec authenticité
Gaspard Gantzer : « Quand quelqu’un vient me consulter, il commence par me raconter une histoire. C’est un réflexe humain que de se défausser quand on est pris en défaut, comme un enfant. Je lui demande alors de me raconter la réalité, de ne pas chercher à jouer un personnage. Évidemment, nous avons tous envie d’entendre : « Je sais ce qu’il va se passer, j’ai la solution ». Mais, il faut assumer l’incertitude plutôt que de faire croire que l’on sait et que l’on peut faire, car cela finit toujours par rattraper l’intéressé. Dans un monde de transparence, j’ai appris que tout finit toujours par se savoir. On finit donc toujours par aller à l’essentiel et dire la vérité, reconnaître qu’il y a eu une faille, une erreur, une difficulté. On commet tous des erreurs dans nos vies personnelles ou professionnelles. Mon travail est de faire comprendre à un dirigeant que l’on est plus fort en reconnaissant ses failles, que rien ne suscite plus de respect. C’est le « parler vrai » cher à Michel ROCARD. Personnellement, je n’ai aucun problème à reconnaître que je n’ai pas toujours fait mon travail parfaitement. »
Les femmes et les hommes politiques, comme les dirigeants, ont une certaine idée d’eux même et n’aiment pas se faire piloter. Il faut une certaine finesse dans l’approche car on ne peut pas dicter des éléments de langage à ce type de fortes personnalités.
Communiquer en interne et se coordonner
La meilleure des communications de crise est la communication interne car les salariés sont des ambassadeurs très sollicités en cas de crise. Enfin, l’ensemble des intervenants qui participent à la gestion de la crise doivent se coordonner pour concevoir une communication harmonieuse.
Le modèle de gestion de crise de Gaspard Gantzer
En France, le modèle est très hiérarchique et tournée vers la maitrise du langage, il part du sommet pour descendre jusqu’à la base. Ce modèle ne fonctionne plus parce que la société est plus horizontale et participative. Le modèle allemand basé sur une communication collective est plus efficace. L’État fédéral allemand et la coalition politique qu’il implique requièrent que chaque communication soit précédée d’une concertation. Ainsi, la chancelière utilise davantage le « nous » que le « je ». Chacun sait que les éléments de langage sont le fruit d’une communion de forces qui ne pensent pas la même chose. L’époque est au jeu collectif.
La communication de crise est un métier subtile qui se forge dans les épreuves. Les théories de cette discipline exigeante s’enseignent, mais seule l’expérience éprouvée sur le terrain donne une vraie légitimité à vos conseillers en communication de crise. Découvrez également notre article sur les fondamentaux d’une communication de crise maîtrisée.
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Photographie : (c) Droits Réservés
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