Les grands principes d’un marché public équitable et responsable

Les agences de communication répondent fréquemment aux marchés publics. Mais avant de s’engager dans une compétition, comme toutes entreprises, elles doivent être en mesure de juger de la pertinence de leur investissement. Répondre à un marché public a toujours un coût économique et un coût carbone que le chef d’entreprise doit pouvoir juger avant de s’engager. L’investissement est responsable dès lors qu’il est à concurrence du marché et que l’agence est en position de gagner l’appel d’offres. Si l’intérêt des acheteurs publics est d’être efficace en obtenant des offres qualitatives, celui des agences est de participer à des compétitions équitables. La meilleure solution est donc de chercher à établir un partenariat entre l’acheteur et les opérateurs, de favoriser des rapports constructifs. Les acheteurs publics ont tout intérêt à formaliser des marchés publics qui ne soient pas rédhibitoires pour les agences et les entreprises qui, quant à elles, doivent prendre conscience de la nécessité d’examiner attentivement les procédures de passation avant d’engager le travail de leurs équipes. Les uns et les autres y gagneront.

Un point rapide sur les différents types de procédures de passation des marchés publics et leurs avantages respectifs

Le montant HT des prestations attendues par les acheteurs publics détermine la procédure de passation du marché public. Précisons que les marchés en dessous de 40 000 € HT peuvent être passés sans obligation de publicité ou de mise en concurrence.

Les acheteurs publics sont tenus de recourir à une procédure formalisée lorsque le montant estimé dépasse le seuil financier de 139 000 € HT pour les marchés publics de fournitures ou de services de l’État et de 214 000 € HT pour les marchés publics de fournitures ou de services des collectivités locales. La procédure de passation d’une procédure formalisée, les conditions de sa mise en application sont strictement encadrées par les règlementations nationale et européenne. Dans le cas d’une procédure formalisée, l’acheteur peut choisir entre un appel d’offres ouvert auquel n’importe quelle entreprise peut candidater ou un appel d’offres restreint auquel seules peuvent candidater les entreprises ayant été préalablement sélectionnées. Pour ces deux procédures, aucune négociation n’est prévue avec les soumissionnaires mais il est possible de leur demander des précisions sur la teneur de l’offre. L’avantage de l’appel d’offres restreint est que les cinq candidats les plus qualifiés pour l’appel d’offres concerné sont pré-sélectionnés sur des critères quantifiables : chiffre d’affaires, compétences professionnelles, références, moyens humains et techniques. Seules les entreprises sélectionnées peuvent remettre leurs offres. L’investissement économique consenti pour la production de l’offre est moins risqué parce que les entreprises sont reconnues au préalable compétentes pour l’offre et parce qu’elles n’affrontent qu’un nombre limité de candidats. Leur investissement sera donc proportionné à leur chance de remporter le marché. Dans le cas des marchés ouverts sans sélection des candidats, le coût économique et le coût carbone de l’investissement cumulés des candidats sont très souvent supérieurs au montant du marché. Opter pour des appels d’offres restreint est donc un investissement plus responsable.

En dessous des seuils définis par l’Europe, les acheteurs publics ont recours aux MAPA, Marchés à Procédure Adaptée, adaptée au contexte, à la nature et à l’urgence. Dans ce cadre, les règles de la commande publique laissent la possibilité à l’acheteur public de fixer ses propres conditions de consultation, mais celles-ci doivent être toujours régies par les 3 principes généraux de la commande publique : l’égalité de traitement des candidats, le libre accès de toute structure à la commande publique et la transparence des procédures. Les MAPA permettent aux acheteurs de chercher la meilleure solution pour le marché donné. Ils peuvent par exemple avoir recours à la procédure négociée qui amènera les candidats à négocier sur la base de leurs offres afin d’en tirer le meilleur parti possible. Le pouvoir adjudicateur peut opter également pour le dialogue compétitif, une procédure dans laquelle les adjudicateurs conduisent un dialogue avec les candidats sélectionnés dans l’objectif de développer une ou plusieurs solutions sur la base de laquelle ou desquelles les candidats devront remettre une offre. Dans cette procédure dynamique, tous les candidats disposent du même niveau d’information et les discussions peuvent porter sur la méthodologie, les moyens, le planning, l’exploitation des résultats, ce que ne permettent pas les appels d’offres qui n’autorisent pas les candidats à proposer de nouvelles propositions après leurs auditions.

Enfin, les accords-cadres avec multi attributaires, autre forme de la commande publique, définissent dans le cadre d’un contrat les termes des futurs marchés publics qui seront passés au cours d’une période donnée. L’objet d’un accord-cadre, à la différence d’un marché public, n’est pas de répondre immédiatement aux besoins des pouvoirs adjudicateurs en matière de fournitures et de services. C’est toujours un accord générique qui définit simplement le cadre contractuel régissant la passation de marchés ultérieurs. Le pouvoir adjudicateur sélectionne un ou plusieurs candidats qui une fois devenus titulaires de l’accord seront remis en concurrence à l’occasion de la passation des marchés subséquents. Devenir titulaire d’un accord-cadre ne garantit donc pas l’obtention effective d’un marché.

Quelles sont les bonnes pratiques qui garantissent pour les acheteurs publics et les candidats une stratégie gagnant-gagnant ?

La pré-sélection des candidats : Toutes les procédures de commandes publiques ont un caractère restreint sauf l’appel d’offres ouvert dont nous avons parlé plus haut. En dessous du seuil de 40 000 euros HT, un seul candidat peut être choisi ou le marché peut être mis en concurrence avec publicité. Entre 40 000 et 90 000, la mise en concurrence se fait avec publicité mais sans publication et requiert la remise de trois offres, soit trois candidats. La pré-sélection des candidats sur CV de l’agence ou de l’entreprise est toujours préférable car les trois ou cinq opérateurs sélectionnés iront plus loin dans leurs réponses. De plus, c’est cette sélection préalable qui permet à l’adjudicateur de gérer la prime qui viendra rémunérer le travail des opérateurs qui ne gagneront pas l’offre. Pour éviter les erreurs de casting et des investissements qui ne mènent nulle part, le mieux est que chaque procédure précise de quel type de structures a besoin l’acheteur. En contrepartie, les candidats s’engagent à une transparence totale. Quand une agence présente une équipe de vingt personnes, l’acheteur doit savoir si elles sont toutes salariées ou en partie freelance.

Des livrables précis et rémunérés : Le ministère de l’économie et des finances a publié une fiche qui astreint la rémunération d’une prime quand des prestations intellectuelles sont demandées au stade de la consultation. Quand une procédure demande de la stratégie ou de la création, tous les candidats doivent être rémunérés à minima 80% du travail demandé. Le travail demandé est évalué au temps passé. Quand une maquette est exigée par exemple, elle doit être rémunérée.  Pour Bercy, à partir du moment où il y a conception, il y a un investissement significatif qui doit être rémunéré et non pas qui peut être rémunéré. L’absence de prime appauvrit la qualité des offres et conduit souvent les opérateurs à renoncer. Un juste équilibre économique entre les parties doit être pris en compte. Pour respecter les principes d’équité et de transparence entre les candidats, une procédure de passation doit être précise sur les livrables attendus, ils ne peuvent pas être laissés à l’appréciation des candidats. Les phrases comme « le candidat peut, s’il le souhaite, présenter une maquette » ne sont pas acceptables car elles dérogent au principe d’équité, sachant que le candidat qui ne présenterait pas de maquette prend le risque de perdre. Par ailleurs, la production d’une maquette n’est pas d’usage car la notion d’usage n’existe pas dans les procédures de commandes publiques. Cette notion d’usage habituel doit disparaître car elle est illégale. Tout échantillon, toute esquisse, toute maquette à produire donnent lieu à une prime. Tous les candidats ont droit à cette prime, elle n’est pas due seulement aux quatre meilleurs.

Une demande bien documentée : les acheteurs publics définissent au préalable le besoin auquel va répondre la procédure. Le document qu’ils vont émettre doit être d’une grande précision. Tout doit être annoncé car un brief précis amène toujours une réponse précise. Un cadre clair et structuré est motivant pour les candidats et rassurant pour la collectivité car elle se donne ainsi la garantie d’avoir des offres qualifiées et travaillées. Les demandes qui ne peuvent être précisées sur le plan technique gagnent à être assorties d’un budget afin que les candidats puissent ajuster les moyens techniques mis en œuvre à la demande. Si la demande d’une vidéo, par exemple, est assortie d’un budget, chaque agence peut faire une offre de conception correspondante. La précision du cahier des charges tient à l’équilibre entre l’expression du besoin, les aspects économiques et le planning des étapes. Le pouvoir adjudicateur doit clairement déterminer ce qu’il attend de la part des candidats même dans le cas d’un document de méthodologie. Sans cadre, la comparaison entre les candidats est impossible et la réponse ne peut pas être adaptée.

Un BPU qui reflète une réelle connaissance du métier des candidats : Le bordereau des prix unitaires est le document contractuel précisant les prix applicables à chaque élément d’ouvrage ou aux unités de produits ou de services prévus qui sont décrites dans les documents du marché. Le marché se gagne ou se perd souvent là. Or, certains BPU traduisent une méconnaissance de nos métiers préjudiciables à nos candidatures. Par exemple, dans le cas des marchés des agences de communication, peu de BPU introduisent une ligne consacrée au travail des chargés de projets. Pourtant, ce travail représente 25 à 75 % du travail investi par les agences. Les agences sont donc contraintes à disperser le coût des chargés de projet et le coût lié au suivi de l’exécution sur les autres postes budgétaires, ce qui peut les pénaliser quand les acheteurs comparent les BPU. Les fonctions majeures des entreprises candidates devraient figurer dans tout BPU. Il serait donc intéressant que les acheteurs publics consultent les candidats potentiels ou leurs syndicats professionnels avant la formalisation de la procédure ou que les acheteurs privilégient systématiquement les procédures négociées ou le dialogue compétitif.

Les prix : la nécessité de marchés clairs et transparents pour les chefs d’entreprise

Les prix sont un sujet stratégique pour l’acheteur quand il conçoit sa procédure. Quand les critères de sélection reposent à plus de 40% sur les prix, les entreprises ne s’engagent pas. Quand les fourchettes budgétaires sont trop larges, il serait appréciable que les budgets des années précédentes soient publiés. Le mieux serait de publier le budget quand cela est possible. Ainsi, les entreprises disposeraient d’un cadre motivant pour elles et rassurants pour les collectivités. Un acheteur ne peut pas éliminer une proposition parce qu’il la suppose anormalement basse, mais il peut demander au candidat de justifier son prix ou vérifier si celui-ci s’engage à réaliser le cahier des charges. Si le candidat ne peut pas se justifier, il est alors éliminé. En procédure de caractère négocié, l’acheteur peut inciter le candidat à reconsidérer son offre. La notation des offres est le résultat de la mise en cohérence des offres et du moins disant dans un souci permanent de transparence.

Les droits d’auteur : un équilibre à définir

Les procédures de passation ont deux options. L’option A est circonscrite et délimitée : la concession des droits des résultats (reproduction et diffusion) est acquise à l’acheteur mais uniquement pour les besoins du marché à titre non exclusif et non commercial. L’option B est la plus favorable à l’acheteur : la cession exclusive et commerciale pour la durée de la propriété intellectuelle. 95 % des procédures adoptent l’option B. Pour rémunérer de façon équitable et responsable les prestataires, l’acheteur devrait notifier une durée de droits et introduire le prix de l’extension des droits pour une année. La cessation des droits ne devrait pas être complète mais elle devrait toujours être limitée dans la durée, dans l’usage et géographiquement. Actuellement, les agences ne peuvent pas introduire ou inclure les droits d’auteur dans le prix des prestations car elles ne savent pas combien de temps les créations vont être utilisées. Dans le cadre des négociations, le périmètre de la cession doit être discuté afin de trouver un juste équilibre.

En résumé, une consultation restreinte avec un cahier des charges extrêmement précis et une consultation en amont des professionnels garantissent une prestation efficace. Pour mieux travailler ensemble, annonceurs publics et agences sont appelés à se rencontrer davantage. Les acheteurs ne gagneraient-ils pas à choisir leurs prestataires en fonction de ce qu’ils connaissent d’eux, leur état d’esprit, leur suivi, leur réactivité, leurs actions concrètes pour le développement durable ?

Photographie : (c) Rawpixel 

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