Communication politique : le modèle Renzi
Quels enseignements en communication nous livrent l’ascension fulgurante et la chute de l’ancien président du Conseil italien, Matteo Renzi ?
Chef de file des progressistes de son pays, apprécié par la presse et la sphère politique européenne à son arrivée, Matteo Renzi a renversé l’échiquier politique italien quand, après avoir obtenu la direction du Parti démocrate à l’automne 2013, il a été nommé chef de gouvernement en 2014, à l’âge de 39 ans. Comment cet homme dépourvu de notoriété et de réseau a pu conquérir la ville de Florence et atteindre le sommet de l’Etat ? Quelles leçons de communication pouvons-nous tirer de la trajectoire de cet homme atypique, un politique moderne mais aussi un publicitaire audacieux et créatif ?
Un positionnement différenciant
D’emblée, il se démarque de la gérontocratie dont l’exercice du pouvoir semble avoir lassé, en incarnant un antisystème qui répond aux besoins de changement de la jeunesse italienne. Les Italiens voient la politique comme un divertissement, un match de promesses et de blagues où tout un chacun rivalise d’inventions et d’excès ; Renzi prend le contre-pied et propose un diagnostic exhaustif de la situation économique et sociale du pays. Le changement de ton opère un contraste saisissant. Ses opposants rivalisent de talent pour détruire leurs adversaires ; Renzi s’extrait des querelles partisanes et propose un projet, une alternative positive. La campagne électorale s’adresse aux électeurs traditionnels ; Renzi s’efforce de mobiliser les voix des non-inscrits qui ne votent plus, des sans-opinion et, plus largement, de la classe moyenne.
L’art de la curiosité, les ressorts de la théâtralité
En politique, le risque est synonyme de sincérité : Matteo Renzi s’engage à changer de métier, à quitter la vie politique pour le privé en cas de défaite. Son audace, ce saut sans filet, éveille une curiosité que Renzi va cultiver en inventant un nouveau format d’interventions politiques dont les mises en scène sont travaillées. Pour les municipales, il réserve des salles dans chaque quartier de Florence. Il raconte son projet en 55 minutes entrecoupées de vidéos et musiques. Au programme : des extraits de films, de dessins animés, des interviews de rue, des interventions de citoyens qui n’ont eu qu’à s’inscrire pour intervenir. Renzi a le sens de la scène, il fait passer l’auditoire du rire aux larmes en quelques secondes. Il maîtrise les registres de la langue, l’espace scénique. Le candidat bavarde, plaisante, commente l’actualité, répond avec intelligence. Sens du théâtre et sérieux politique créent un nouvel espace d’expression divertissant et convaincant, une nouvelle génération de spectacle politique. Quelques années plus tard, pour ses campagnes, il sillonnera l’Italie en camping-car puis en train, moyens de transport qui jouent la carte de la proximité populaire.
La disruption : un style, un langage
La parole libre, Renzi ne mâche pas ses mots, il ose briser les tabous. Il dit tout haut ce que les autres pensent tout bas. Sans détour, sans périphrase, il impose un langage plus simple. L’effet est immédiat : pour les Italiens, cet homme affronte les problèmes. Il ne fait pas de discours et parle sans note. Sans langue de bois, il annonce la fin de l’idéologie, prétend administrer la chose publique de façon neutre, annonce qu’il s’attaquera aux lobbies. Contrairement à la vieille garde politique, Il enlève sa cravate dès qu’il le peut, plaisante, adopte toujours une attitude informelle. Renzi cherche en permanence à aller au contact des citoyens, à créer un rapport directe et constant. Enfin, il ne met pas en scène sa vie privée.
Le digital : levier de notoriété
Très traditionnellement, Renzi publie un livre afin d’asseoir sa légitimité intellectuelle, la puissance de sa réflexion. Mais, c’est avant tout un fervent utilisateur des réseaux sociaux Facebook & Twitter. Il y publie toutes ses annonces importantes en 140 caractères, concision symbole de clarté. L’opinion peut réagir directement. Président du Conseil, il répondra régulièrement en Direct Vidéo sur Facebook aux questions des internautes. Les « Matteo Risponde » redéfinissent l’interaction entre l’élu et ses électeurs.
La dynamique par l’action
Renzi impose un rythme différent, une volonté de transformation immédiate, d’abord par des actions locales, vitrine au service de son ambition politique, puis par des actions nationales. A Florence, il lance 100 projets différents pour 100 lieux abandonnés. Il remplace la berline de fonction par une petite citadine, renonce à l’escorte de police, fait ouvrir son palais, accueille des blogueurs, ouvre les musées la nuit, favorise l’accès des couples homosexuels aux logements HLM… Conscient que le digital a habitué les citoyens à des délais courts, il annonce au grand public des résultats sous 6 semaines pour forcer la main de sa bureaucratie. Ces actions locales viennent accréditer la force disruptive et l’efficacité de son système. Sur le plan national, plus de 300 lois et décrets en deux ans tenteront de réformer le pays en profondeur : réforme le droit du travail, lois anti-corruption…
Les leçons de l’échec
Le manque d’expérience de ses équipes dans la gestion des affaires ont sans doute enrayé la machine Renzi. Gaffes et faux pas se sont multipliés faute de direction claire. Le sens de l’action gouvernementale a cessé d’être perceptible, sa communication est devenue incertaine par manque d’ajustement de la stratégie au contexte. La vision de Renzi n’a pas suffi à justifier les sacrifices importants demandés au peuple italien. La froideur que Renzi a affichée, une froideur terriblement contrastante avec cette proximité qu’il avait cultivée lors de sa campagne, est vécue dès lors comme une manifestation d’insensibilité. La communication disruptive de Renzi a donc trouvé ses limites dans l’exercice du pouvoir, comme un choc de réalité.
Il n’en reste pas moins que Renzi a inventé un nouveau modèle de communication politique basé sur un mélange de séduction et d’efficacité, d’actions concrètes et de proximité. Grâce au triptyque « décision – communication – réalisation », une méthode devenue signature, Renzi a fait de la communication politique un véritable levier de transformation du réel.
Crédit photo : (c) Mike DOTTA
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